Albert, Le papa de Jacques
3 juin 1917
Paris, 76 Bd Malesherbes
Dimanche
Mon cher Jacques
Voici encore un dimanche pendant lequel nous t’avons espéré et que tu n’es pas venu. N’ayant eu ce matin ni lettre ni télégramme nous pensons que ta venue se trouve encore retardée. Ta lettre de dimanche dernier nous avait pourtant bien fait croire que tu viendrais.
Hier soir nous avions bien cru que tu arrivais. Nous venions de nous mettre à table, il était environ 8 heures moins cinq, nous finissions de manger la soupe lorsque retentit un coup de sonnette. Qui cela pouvait-il être ? Toi sans aucun doute, d’autant plus qu’il y a un train de Montluçon qui arrive à 7h25 du soir aussi. On se précipite, c’était Pierre Lhuillier qui arrivait du Plessis-Belleville où il se trouve en ce moment pour quelques jours. Il prit part au dîner et nous l’avions réinvité pour ce matin pour qu’il te voie au cas où tu serais venu. Malheureusement la conjoncture ne s’est pas produite.
Il va bien et est très bronzé ; il est allé 2 ou 3 fois à ‘ ??’ prendre part à des exercices de liaison avec l’infanterie et un jour qu’il avait eu une panne sur le terrain de manœuvre il a entendu siffler auprès de lui des petits obus de 37. Cela n’a pas eu de suites fâcheuses.
Nous jouissons d’un temps magnifique ; je souhaite qu’il en soit de même pour toi.
Les grèves des midinettes et autres dont tu as probablement entendu parler semblent à peu près terminées. Cela a été une véritable épidémie ! mais heureusement sans désordres graves. Toutes les corporations féminines y ont goûté plus ou <moins> et j’ai bien craint jeudi et vendredi qu’il n’y ait un mouvement à l’usine. Cela s’est calmé. Est-ce bien terminé ? Je te le dirai la semaine prochaine.
Tes sœurs t’ont envoyé ta quinzaine jeudi. L’as-tu bien reçue ? Je suis passé mercredi chez monsieur Halingre. Templier n’a encore reçu aucune nouvelle du régiment, pas même de réponses aux lettres qu’il avait écrites au lieutenant commandant la Cie de Paul et à son sergent-major. On se demande si ceux-ci n’auraient pas été blessés puisqu’ils ne répondent pas. Comme il semble que tu as quelques autres camarades qui sont encore au 321e écris-leur donc pour avoir quelques renseignements sur ce qui est arrivé à Paul ; je ferai part des réponses à Templier que je n’ai pas encore revu, mais qui certainement est très désireux d’avoir quelques précisions sur son fils.
Lundi dernier j’ai aperçu les musiciens des Gardes Anglaises revenant du concert qu’ils avaient donné aux Tuileries. On les ramenait dans des grands camions automobiles découverts. Ils étaient dans leur grand uniforme rouge avec leur bonnet à poil épatants. La foule leur a fait le grand succès et eux répondaient par des Hip ! Hip ! Hip ! Hurrah ! formidables.
J’ai commencé le régime de l’eau pure. Le vin n’est toujours pas arrivé, malgré la bonne promesse que m’a faite Gustave dernièrement. Je ne trouve pas cela désagréable et je bois certainement moins.
Nous allons commencer les conserves d’œufs frais ; les combinés Barral sont achetés et les vases de grès.
Robert continue de bien aller ; la cicatrisation de sa blessure s’accélère ; mais il doit toujours rester étendu. On le descend de temps en temps au jardin de l’hôtel. Il a reçu ta lettre et a été bien content d’avoir de tes nouvelles directes.
Comme grâce à toi nous avons passé nos vacances de la Pentecôte à Paris, je suis allé le voir lundi et suis resté auprès de lui de 2 heures moins le quart à 4 heures, ses parents étaient, eux, allés à Poissy passer la journée.
Nous dînons ce soir à Neuilly. Grand’mère Leroy est en ce moment assez bien ; quand à grand’mère Prieur, elle était très bien mardi.
Ne nous laisse pas trop longtemps sans nouvelles.
Tout la famille se joint à moi pour t’embrasser de cœur.
Ton papa qui t’aime bien.
A. Prieur
Lettre du 3 juin 1917, père à Jacques
Dans la lettre il est question de
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